jeudi 23 novembre 2017

"La noblesse méconnue du Patchouli"

Des conférences sont organisées avec l’Osmothèque, et j’ai pu récemment assister à l’une d’elles, intitulée « la noblesse méconnue du patchouli ». Une première partie de cette soirée, consacrée à  l’huile essentielle de patchouli, était présentée par Daniel Joulain, ancien directeur de recherche chez Robertet, spécialiste des matières premières. La deuxième partie visait à illustrer l’utilisation du patchouli en parfumerie fine de 1970 à nos jours, et était présentée par Patricia de Nicolaï, parfumeur, et présidente de l’osmothèque.

Quelques mots d’histoire nous ont été donnés par Daniel Joulain :
Des traces de patchouli (patchoulol) ont été retrouvées dans des tombes gréco-romaines datant de plus de 1700 ans, à Thessalonique. Le patchouli devait, donc, déjà être connu et utilisé dans l’antiquité.
Certains écrits de pharmacie mentionnent le patchouli comme répulsif des insectes, à partir de 1826.
Au XIXème siècle, les feuilles de patchouli sont utilisées pour préserver les étoffes des mites dans les cargaisons, au départ de l’Inde pour l’Europe.
Dès 1844, des caisses de feuilles de patchouli sont importées en Angleterre, et dès lors, les ventes de ces feuilles augmenteront.
Par ailleurs, des écrits datant de 1869 stipulent que le patchouli est bien connu des parfumeurs.
Le patchouli revient sur le devant de la scène dans les années 1970, avec les hippies.

De nos jours, la production d’huile essentielle de patchouli est de l’ordre de 1200t/an. C’est une des matières premières les plus utilisées dans l’industrie de la parfumerie. Les principaux pays producteurs sont l’Indonésie (85% du volume), la Chine, l’Inde, la Malaisie, les Philippines, Madagascar, les Seychelles, le Brésil, l’Uruguay, et les Antilles.


Patchouli se dit en hindi « patcholi », en tamoul « patch ilai », et en indonésien « nilam ».

L’huile essentielle peut avoir un aspect foncé à cause du fer qui provient des alambics. Elle peut, par la suite, être éclaircie avec divers procédés, et est, alors, plus onéreuse. Le prix (qualité Indonésie) est d’environ 60 $/kg actuellement. Le patchoulol est le constituant principal, et doit être présent à hauteur de 30% environ.
A Grasse, de l’absolu de patchouli est encore produit.

L’odeur de patchouli est couramment décrite comme terreuse, de cave, camphrée.
Nous avons pu sentir, lors de la soirée, l’absolu de patchouli, et l’essence de patchouli. L’absolu me semble plus chaud, plus rond, plus ambré que l’essence. L’essence me donne un effet plus aromatique, camphré, herbacé.

J’ai appris que les feuilles de patchouli fraîches ne sentent presque rien. La fermentation et le séchage des feuilles jouent un rôle clef pour l’odeur. L'étape du stockage de l’huile essentielle a, aussi, son importance pour l'odeur.

La chromatographie couplée à des sniff tests permet de sentir, parmi les constituants de l’huile essentielle de patchouli, des molécules avec une facette safran, vétiver, ambre gris,…L’identification d’autres structures de molécules pourrait révéler des ingrédients intéressants pour la parfumerie.


La deuxième partie de la soirée nous a permis de sentir l’influence du patchouli dans la parfumerie fine.

Les parfums suivants ont été sélectionnés par Mme de Nicolaï, et nous ont été donnés à sentir :

-          Patchouli de Réminiscence - 1970 – Oriental boisé - Sozio
-          Aromatics Elixir de Clinique – 1972 – Chypré fleuri – Bernard Chant (IFF)
-          Gentleman de Givenchy – 1974 – Boisé chypré – Paul Léger (Firmenich)
-          Mystère de Rochas – 1978 – Chypré fleuri aldéhydé – Max Gavarry (IFF)
-          Polo de Ralph Lauren – 1978 – Fougère cuir vert – Carlos Benaim (IFF)
-          Angel de Thierry Mugler – 1992 – Oriental gourmand – Olivier Cresp (Quest Givaudan)
-          Patchouli Patch de L’Artisan parfumeur – 2002 – Boisé musqué – Bertrand Duchaufour
-          Bornéo 1834 de Serge Lutens – 2005 – Boisé cuir gourmand – Christopher Sheldrake
-          Coromandel de Chanel – 2007 – Boisé ambré – Jacques Polge
-          Patchouli intense – 2009 – Boisé ambré – Patricia de Nicolaï
-          Patchouli impérial – 2011 – Boisé ambré poudré – François Demachy
-          Straight to Heaven Extreme – 2017 – Boisé ambré gourmand – Sidonie Lancesseur (Robertet)

Tous ceux de la parfumerie confidentielle dont le nom évoque clairement la matière première sont construits autour de cette thématique; chacun avec une approche différente. Le patchouli est, par ailleurs, clé dans la structure des chypres. 
Mes préférences vont au Patchouli de Réminiscence pour ses nuances ambrées vanille, au Patchouli Patch de l'Artisan parfumeur pour ses nuances lavande et iris, et à Coromandel de Chanel notamment pour ses nuances jasmin, encens.
La liste donnée ne pouvait être exhaustive. Pour ma part, j’associe, aussi, le patchouli au parfum Prada de Prada.

De nos jours, le patchouli est incontournable dans la parfumerie comme en attestent les productions d’huile essentielle, et sa présence dans la parfumerie fine. Cette matière première a encore de beaux jours devant elle.

lundi 23 octobre 2017

Découvertes au salon Cosmetic 360 – Réalité virtuelle, merchandising, plateforme de design olfactif

Durant le salon Cosmetic 360 dédié à toutes les formes d’innovations dans l’univers de la beauté (technologies, ingrédients, produits, process, services…), quelques nouveautés destinées à l’évènementiel et au retail ont retenu mon attention.

Createenaddict, a développé, notamment, une innovation en réalité virtuelle, en partenariat avec la société Scentys, une société experte en diffusion de parfums.
 Un casque et des manettes m’ont été confiés, afin d’expérimenter cette réalité virtuelle. Le casque permettait de visualiser une table, sur laquelle étaient disposées des cloches. Une mappemonde était située à l’arrière de cette table. Lorsque j'ai soulevé une des cloches avec les manettes devenues des mains électroniques dans le monde virtuel, des fleurs de jasmin sont apparues, une brise agréable de cette fleur a été diffusée, et la provenance s'est affichée sur la mappemonde. D’autres cloches révélaient différentes matières premières.


Cette innovation de réalité virtuelle sensorielle est immersive, ludique et enthousiasmante. Elle peut être utilisée, par exemple, pour un lancement de parfum presse, ou pour un évènement en boutique.

De nombreux outils digitaux sont proposés par cette agence, pour le merchandising.  

Des lunettes de réalité augmentée permettent de visualiser un décor en hologramme, autour d’un produit réel, disposé sur une surface réelle.

Les boîtes vidéo interactives sont, aussi, très intéressantes.  Lorsque le client potentiel attrape un produit dans la boîte, un film correspondant au produit saisi, est diffusé sur l’écran.

Plus d’informations sur https://www.createenaddict.com/

Une autre innovation "wet and see" m'a séduite. Elle est proposée par Scentis, une société de touches à sentir (www.scentis.fr).
Lorsqu’ un spray de parfum est appliqué sur le blotter, une image apparaît. Lorsque le papier devient sec, l’image disparaît. Et il est possible de la faire apparaître de nouveau avec un autre spray de parfum.

Cette innovation est amusante, et renforce le caractère toujours un peu magique du parfum.

Enfin, la plateforme Myriscent me semble prometteuse, avec une technologie brevetée basée sur dix ans de recherche, qui corrèle émotions, couleurs, et odeurs…



Sur la plateforme, il suffit de renseigner la cible du parfum (femme, homme), de sélectionner des émotions dans une liste, puis des couleurs. La plateforme établit, alors, un indice de cohérence. Si cet indice est jugé trop faible, il est possible de jouer sur les paramètres initiaux, pour l'améliorer. Lorsque l'indice est jugé convenable, la technologie suggère des listes de matières premières à utiliser en tête, cœur, fond du parfum. (Plus d'infos sur https://myrissi.fr/).

Beaucoup d'innovations étaient présentées à ce salon. Ont été évoquées, dans ce billet, celles qui m'ont le plus interpellée.

jeudi 12 octobre 2017

Le Roman des Guerlain, par Elisabeth de Feydeau


Avec le concours du CEW (Cosmetic Executive Women), j’ai pu assister à une conférence donnée par Mme Elisabeth de Feydeau, sur son dernier livre : « Le Roman des Guerlain ». Nous avons été reçus, au 68 avenue des Champs-Elysées, dans l’écrin fondateur de la Maison, dédié au parfum.
.
J’avais déjà un livre de Madame de Feydeau : Les Parfums Histoire Anthologie Dictionnaire.

Pour ce nouvel opus, l'auteur a pu échanger avec une de ses amies de longue date, Madame Elisabeth Sirot, directrice du patrimoine de Guerlain. L’écrivaine a eu, aussi, accès aux archives Guerlain, et a créé un roman, à partir de cette profusion d’informations.


 Fondée en 1828, la Maison Guerlain fêtera l’année prochaine ses 190 ans.

Mme de Feydeau nous conte cette saga familiale. Tout commence avec Pierre-François-Pascal Guerlain (1798-1864), qui s’oriente, dès ses 19 ans, vers les parfums, avec un poste de commis marchand, chez Briard Parfums. Fils d’un potier d’étain, chandelier, marchand d’épices, les odeurs de cannelle, de vanille, de clous de girofle et d’autre ingrédients ont dû nourrir son imagination, dès son enfance.

En 1817, la parfumerie bénéficie, de nouveau, d’un climat favorable. A la révolution, les parfumeurs étaient pourchassés, car associés à la cour. C’est à la parfumerie anglaise qu’a profité la discrétion de la parfumerie française, entre la fin du XVIII et 1830.

Pierre-François-Pascal Guerlain est animé d’indépendance et d’ambition. En 1828, il s’établit, à son compte, à Paris, pour y vendre des produits de beauté d’importation britannique, et quelques créations de sa production (suite à un séjour en Angleterre, où il a suivi un apprentissage). Son catalogue reprend, aussi, des références de chez Briard…

Illustration du livre "Le Roman des Guerlain" - Portrait de Pierre-François-Pascal Guerlain



En 1830, il épouse Louise-Adélaïde Boulay, fille de médecin, avec qui il aura 5 enfants.
Les femmes des artisans, à cette époque, jouent un rôle important. Elles tiennent les comptes, entretiennent de bons rapports avec les clients, et éduquent les enfants pour la suite.

Les produits cosmétiques sont présentés, de manière moderne, avec des revendications scientifiques (élasticité de la peau, protection de la peau, hydratation…). Pierre-François-Pascal Guerlain doit être aidé par son beau-père, dans cette démarche. Cette approche scientifique se constate, par exemple, avec les produits proposés à base de riz, pour remédier aux rides, dont on croit, en ces temps-là, qu’elles sont dues à l’humidité.

Avec le succès, Guerlain quitte la rue de la Rivoli pour la rue de la Paix. Les clientes y sont accueillies dans de très chics salons.


Grâce à une Eau de Cologne offerte à l’Impératrice Eugénie, Guerlain reçoit, en 1853, le document de fournisseur officiel de l’Impératrice. Avec ce coup de maître, il va, désormais, pouvoir toucher  toutes les cours d’Europe. Il créera un flacon avec un décor d’abeilles, symbole impérial. Il sera à l’avant-garde en étant un des premiers à créer des flacons semi-manufacturés.

Illustration du livre "Le Roman des Guerlain" - Portrait de l'Impératrice Eugénie et flacon butiné de 69 abeilles

A partir de 1860, il se fait aidé par deux de ses enfants : Aimé et Gabriel. Il meurt en 1864.

Aimé et Gabriel poursuivent l’ascension de la société, en étant toujours tournés vers l’innovation.
Ainsi, Aimé Guerlain, avec Jicky, en 1889, est un des premiers à introduire, dans une formule de parfum, des molécules de synthèse : de la coumarine (isolée à partir de la fève Tonka), du linalol (issu du bois de rose), et de la vanilline (dérivé d’une sève de conifère).

Aimé Guerlain passera la main, ensuite, à son neveu Jacques. La création de beaux parfums, inspirés par des muses, se poursuit, ensuite, avec Jean-Jacques Guerlain, fils de Jacques, et Jean-Paul Guerlain, son petit-fils.


Cette conférence donne envie d'en découvrir davantage sur l'histoire passionnante de cette réussite familiale, et d'en lire le roman.
Lors de cette soirée, les participants ont eu l'agréable surprise de se voir offrir le livre par la Maison Guerlain, et j'ai été ravie d'avoir une dédicace de l'auteur.



Guerlain a marqué de son empreinte les familles françaises. Quand ma grand-mère s'offrait quelques produits de beauté, c'étaient des Guerlain. Ma mère, en souvenir de la sienne, est, aussi, très attachée à cette Maison. Et cet attachement se poursuit à travers les générations.

jeudi 28 septembre 2017

Rives de la Beauté : l’univers des parfums du créateur Hervé Gambs

A l’occasion des Rives de la Beauté, je me suis inscrite à l’atelier : « Les matières premières naturelles dans les collections de parfums Hervé Gambs »
C’est dans son showroom, rue des Minimes, que le créateur en personne nous accueille. Nous sommes invités à nous installer côté salon, face aux parfums.
Architecte d’intérieur, designer, créateur de parfums, Hervé Gambs nous a présenté son univers, et sa démarche créative dans ses collections : Colognes Intenses, Eaux de parfum, et Parfums Couture.
Hervé Gambs a longtemps travaillé le végétal, puis a concentré son activité dans la « mise en bouteille » des belles matières premières naturelles végétales.
90% des matières premières utilisées dans ses parfums sont des naturels.
Instinctif et sophistiqué à la fois, son processus créatif, autour d’ingrédients naturels coup de cœur, privilégie les sensations et les émotions.
Chacune de ses collections propose des parfums avec des profils différents : consensuel, axé autour de la sensation, ou carrément singulier.
Parmi tous les parfums Hervé Gambs, je vous parlerai de ceux qui ont ma préférence, dans chaque collection.


La Collection Colognes Intenses nous emporte dans les souvenirs heureux des vacances d’été.
J’ai été particulièrement touchée par deux parfums de cette collection, qui m’ont fait revivre des moments joyeux : Baies des Anges et Domaine du Cap.
Le créateur évoque, avec Baies des Anges, un souvenir d’enfance de vacances sur la Riviera. Les notes hespéridés, d’ylang et de crème glacée à la vanille, font ressurgir, avec bonheur, les moments d’insouciance, au bord de la mer. Hervé Gambs nous a fait sentir, en premier lieu, deux des matières premières à la source de son inspiration: le pamplemousse et l’Ylang Ylang.

Pour Domaines du Cap, l’ingrédient qui a interpellé le créateur est le fenouil sauvage. C’est une note anis, avec des nuances épicées, herbacées. Basilic, citron, romarin, cèdre et vetyver accompagnent cette facette anisée singulière. Ce parfum me rappelle, aussi, des souvenirs agréables de promenades en été, dans le maquis.


Les parfums de la Collection Eaux de Parfum se déclinent autour d’un même cœur de cèdre de l’Atlas, et de bouleau. Des matières que nous avons été invités à sentir.
C’est Bois Dahman qui m’a le plus séduite. Ses notes boisées poudrées de santal, épicées chaudes de safran,  et rondes amandées de Tonka adoucissent et réchauffent le cœur de cèdre-bouleau.

Les parfums de la Collection Couture comportent davantage d’ingrédients, et sont plus concentrés. Une signature ambrée, ou vanille est présente dans la plupart des fragrances de cette collection.
Là aussi, j’ai des inclinations.
Jardin Privé dont les matières clés sont la bergamote et le thé vert m’a plu. Ce parfum autour d’un accord Earl Grey est frais, beau et chic.
Enfin, la Rose Damascena est à l’honneur dans Coup de Grâce. La fragrance déploie toute la force, et les nuances de cette essence. Et une note de safran vient l’agrémenter de manière originale.

Merci à Hervé Gambs et Bruno Loste, son collaborateur pour cet atelier.
Merci au designer de parfums d’avoir partagé son univers, et ses inspirations. Des parfums crées avec audace, et sensibilité, que j’ai eu plaisir à découvrir.

jeudi 14 septembre 2017

Rives de la Beauté : une belle installation olfactive à découvrir

Dans le cadre des Rives de la Beauté, j'ai visité une belle installation, que je vous recommande :

Au 66 rue Charlot, dans le 3ème arrondissement, une superbe installation vous guide, olfactivement, à travers les villes desservies par le Thalys : Paris, Bruxelles, Amsterdam, Cologne.

Le dépliant, remis à l’entrée de l’exposition, vous invite à découvrir différents lieux, pour chaque destination. A Paris, par exemple, sont suggérées 16 adresses au travers de 16 parfums, de l’Hôtel Molitor, au cimetière du Père Lachaise.


Pour les villes déjà visitées, c’est un plaisir de s’y replonger grâce à des odeurs emblématiques, comme celles des gaufres ou speculoos, à Bruxelles.
Pour les villes à découvrir, ces fragrances en donnent un avant-goût, et invitent au voyage.
Les notes ont été pensées et conçues avec Elisabeth Carre, Perfume designer indépendante, et Drom Fragrances
Plus d'infos avec la vidéo de l’exposition : https://www.youtube.com/watch?v=FI2l799Y6QU

mardi 29 août 2017

Conférence du Dr Jonathan Bohbot - L'odorat du moustique, s'en protéger et s'en inspirer

Fin mai, j’assistais à une conférence intitulée de manière humoristique : « Vous partez en vacances cet été, ils le sentent ! » donnée par le Docteur Jonathan Bohbot. Et mes dernières piqures de moustique me rappellent qu’il faut que je vous en parle sans plus tarder…
Ce chercheur mène des études sur les systèmes olfactifs des insectes depuis 1998, et propose de se protéger de l’odorat du moustique, et de s’en inspirer.
 
Le moustique est l’animal le plus meurtrier, avec entre 500 000 et 1 million de personnes tuées par an indirectement suite à une piqûre (en réalité, une morsure). En effet, les moustiques sont des vecteurs de maladies telles que le paludisme, la fièvre jaune, le chikungunya, la dengue, le zika…Ils transmettent ces virus, s’ils ont piqué, au préalable, une personne infectée.
Mâles et femelles insectes se nourrissent de nectar de fleurs. Seule la femelle prélève du sang, non pour son alimentation propre, mais pour la maturation de ses œufs. Les larves sont déposées dans de l’eau.
Le moustique repère sa cible grâce à son odorat, même si des indices thermiques et visuels interviennent aussi. Saviez-vous que l’homme produit environ 2000 odeurs à lui seul ? Parmi celles qui trahissent notre présence, voici celles qui attirent le moustique : les traces d'acides gras comme l'acide butyrique ou lactique, d’octénol (une odeur qui évoque les sous-bois), d’indol (une des molécules de l’odeur du jasmin, entre autres), de scatol (une des molécules de l’odeur du narcisse), de substances ammoniaqués (produites par des micro-organismes, à la surface de la peau).

Le moustique a plusieurs nez : ses antennes et sa trompe.
Les neurones olfactifs chez le moustique se situent à l’extérieur de lui-même, contrairement à l’homme. (cf schéma ci-dessous – extrait du site internet du Dr Bohbot)
 
Le moustique dispose de 5000 neurones olfactifs, quand l’homme en dispose de cinq millions.

Les gènes des récepteurs olfactifs de l’homme ont été identifiés en 1991 par Linda Buck et Richard Axel, et sont au nombre de 400. (Cette découverte a été couronnée en 2004 du prix Nobel de Physiologie et Médecine).
Chez le moustique, on dénombre une centaine de gènes de récepteurs olfactifs.
Un récepteur permet de reconnaître plusieurs odeurs. Et une odeur peut être compatible avec plusieurs récepteurs. Malgré l’avancée des recherches, le mécanisme précis de l’olfaction demeure mystérieux.
 
Le Dr Jonathan Bohbot a identifié, chez les moustiques, grâce à des expériences requérant une extrême précision et rigueur, trois récepteurs clés. Ils sont activés chez l’ensemble des moustiques, par des molécules d’octénol, d’indol ou de scatol (molécules qui traduisent pour l’insecte, potentiellement, la présence d’hommes).
Ce ne sont pas des récepteurs de phéromones.
L'idée du Dr Bohbot est de développer un produit qui inhibe ces récepteurs.
Les répulsifs tels que le Deet le font déjà, mais requièrent de grandes concentrations. Le Deet n’avait, d’ailleurs, pas été, initialement, développé pour être un répulsif d’insectes. Cette propriété n’a été découverte que dans un second temps. Le Deet ne tue pas les insectes mais les met dans un état de confusion, en perturbant les récepteurs.
De plus, le produit développé serait plus spécifique, car viserait des récepteurs précis avec une forte sensibilité.
Ces recherches du Dr Bohbot conduiraient, aussi, à d’autres applications industrielles, comme le développement de nez artificiels, destinés au contrôle qualité. Mais la confidentialité des recherches ne me permet pas d’en révéler davantage…
 
A savoir, la traditionnelle citronnelle fonctionne, en partie, pour évincer les insectes l’été. Eviter des récipients avec de l’eau stagnante autour de vous également !
Et attention aux parfums composés de molécules florales et fruitées qui attirent, aussi, les moustiques avides de nectar !
 
Pour plus d’infos sur les recherches du Dr Bohbot : http://jonathanbohbot.weebly.com/

dimanche 18 juin 2017

Conférence olfactive du Dr Annick Le Guérer - "Quand le parfum portait remède"

Le musée du parfum Fragonard Paris organise des conférences olfactives.

Fin mars dernier, le Dr Annick Le Guérer, y donnait une conférence fascinante sur le thème d’un de ses ouvrages « Quand le parfum portait remède ».

Des touches à sentir de parfums, composés par le parfumeur Dominique Ropion, nous ont été distribuées, au cours de la soirée.

J’ai appris que le parfum fut le premier médicament. Les médecins, sous l’Antiquité grecque, pensaient que les maladies provenaient de la putréfaction, des odeurs fétides. Les bonnes odeurs, les parfums leur semblèrent des remèdes.
C’est ainsi que, lors d’une grande peste à Athènes, le célèbre médecin Hippocrate ordonna de dresser des bûchers odorants, dans le but d’éloigner l’épidémie.
Un autre médecin grec, Plutarque, évoqua, dans ses écrits, un parfum de l’Egypte ancienne, le kyphi, et disait qu’avec ses fumigations  « Les soucis journaliers, qui sont comme autant de chaînes si pénibles, perdent de leur douleur et de leur intensité ; ils s'affaiblissent et se relâchent, sans le secours de l'ivresse. » Le kyphi était, aussi, utilisé délayé dans le vin afin de soigner les maladies pulmonaires, hépatiques ou intestinales. Encens (oliban), myrrhe, cannelle, cardamone, santal, baies de genièvre, coriandre, lentisque, benjoin, citronnelle, boutons de roses séchées, miel, raisin, vin rentraient dans sa composition.

En Europe, les parfums furent des médicaments du Moyen-Âge jusqu’au XIXème siècle.

Au Moyen-Âge, toute la vertu des médicaments était concentrée dans leur odeur. Le parfum était l’âme de la plante. Médicament et parfum n’étaient pas dissociés.
Les moines avaient pour vocation de soigner les malades

La Thébaïde (détail) de Gherardo Starnina ( + vers 1410), où l'on voit des moines cultiver leur jardin entouré d'une haie de verdure et de fleurs ainsi que d'une palissade. Florence, Musée des Offices

Par exemple, dans le jardin médicinal de l’Abbaye de St Gall étaient plantées : la mongette (pour la digestion, le diabète),  le fenugrec (contre la fatigue, le diabète), le romarin (trésor pour la santé), la menthe (contre la fatigue), le lys (antiseptique), la rose (panacée), le fenouil (contre les troubles digestifs), la livèche (panacée) , le cumin (panacée), l'iris (panacée), la sauge (panacée – vient du latin salvare qui signifie sauver).

Les moines trouvaient aussi des plantes médicinales dans la nature.
Ils cueillaient, notamment, du genêt, des baies de genièvre, afin d’assainir les maisons.
L’écorce de saule et la reine des prés étaient utilisées afin de soigner la fièvre, les maux de tête, les rhumatismes. Le principe actif contenu dans l’écorce de saule et la reine des prés est l’acide salicylique (qui est devenu l’aspirine moderne !)

Les plantes étaient macérées dans l’huile d’olive, le vin. En effet, la distillation arriva en occident seulement à partir du XIVème siècle.

Les frères se consacraient, aussi, à l’acquisition et la transmission des connaissances avec la traduction de textes de médecins grecs et arabes. Ils traduisirent, entre autres, un ouvrage arabe Taqwim al‑Sihha, traité médical écrit par Ibn Butlân vers 1050.

Au Xème siècle, dans le Dauphiné, apparut l’ordre hospitalier de Saint-Antoine. Saint-Antoine était évoqué contre le mal des ardents, une maladie dont on ne savait pas, à l’époque, qu’elle était due au seigle avarié. Les religieux avaient mis au point un baume, à partir de plantes et gras de mouton, afin d’apaiser les brûlures internes intenses provoquées par ce mal.

A Florence, au XIVème siècle, fut créé une pharmacie par les dominicains avec le soutien des Médicis : Santa Maria Novella, devenue, aujourd’hui, une maison de parfums.


Les rois et les nobles, à partir du XIVème siècle, eurent des jardins aromatiques, afin de disposer de plantes pour se prémunir des maladies.

Des petits objets raffinés étaient utilisés, par les gens aisés, pour contenir les plantes médicinales. Certains étaient ornés de pierres précieuses aux vertus dites bénéfiques. Des pommes de senteur étaient, ainsi portées au nez, afin de se prémunir des odeurs de la rue, et des maladies.

Portrait d'une femme portant un pomander (pomme de senteur) au bout d'une chaîne en or (v. 1560), Pieter Janz. Pourbus – Belgique

Les gens moins fortunés se préparaient des décoctions dans du vinaigre, et portaient une éponge imbibée de ce vinaigre à leur nez.

Avant de rendre visite aux malades, le médecin demandait des fumigations. Il se protégeait le nez avec des pommes de senteur, ou des éponges imbibées de vinaigre.
Pour renforcer les vertus des plantes aromatiques, des matières caustiques étaient rajoutées pour soigner les malades.

La distillation arriva en occident au XIVème siècle, quand elle était, déjà, connue des arabes depuis le VIIème siècle.
Cette technique permit de créer l’Eau de la Reine de Hongrie en 1370, parfum de feuilles et fleurs de romarin, distillés avec l’esprit de vin. Parée de quantités de vertus, cette eau aurait permis à la reine de Hongrie de retrouver sa beauté, sa jeunesse, et de sa marier au roi de Pologne.
Par la suite, cette eau fût enrichie avec d’autres essences. Ce parfum pouvait aussi se boire.
Le succès de cette eau suscita des copies dont L’Eau des Carmes, encore vendue de nos jours en pharmacie. Mélisse, thym, romarin, marjolaine, angélique, sauge, et des épices, anis vert, cannelle, coriandre, citron vert en écorce, coriandre et clou de girofle entraient dans sa composition.

A partir du XIVème siècle, l’eau devint suspecte. Les médecins disaient qu’elle faisait dilater les pores, et rentrer les miasmes. Les bains ne furent plus d’usage. Les parfums ou le vinaigre étaient utilisés pour se laver.

Sous Louis XIV, la parfumerie devint une profession définie. Le roi soleil faisait venir ses plantes du Jardin des Plantes, crée par Louis XIII.

Au XVIIIème siècle, Marie-Antoinette avait demandé à ses parfumeurs de lui préparer une eau parfumée pour ses douleurs lombaires.

Au début du XIXème siècle, Napoléon sépara la parfumerie de la médecine, car il y avait trop d’escroquerie (décret de 1810).
Les parfumeurs devaient, désormais soumettre la formule à un comité secret. Ces derniers, plutôt que de divulguer les formules, préférèrent ne plus créer de parfums thérapeutiques. Sauf Jean-Marie Farina avec l’Eau de Cologne qu’il introduisit dans toute l’Europe. Il avait, le grand avantage, d’avoir Napoléon comme client. L’Eau de Cologne pouvait se boire aussi.

La deuxième partie du XIXème siècle vit l’avènement de la chimie de synthèse, et fit sortir les parfums des jardins. Dès lors les parfums n’eurent plus leurs propriétés thérapeutiques.

De nos jours, la demande de produits naturels redevient forte. Et certains parfums visent le bien-être comme l’Eau Dynamisante de Clarins, une eau de soin.
Dans les hôpitaux, des huiles essentielles sont, de nouveau, employées pour apaiser les patients.

Les parfums qui soignent, avec des matières premières naturelles, sont en train de reprendre leur place dans nos sociétés occidentales.


Merci à Mme Annick Le Guérer pour cette conférence passionnante, foisonnante d’informations, qui donne envie de continuer à se documenter sur le pouvoir thérapeutique des parfums.

dimanche 19 mars 2017

The Harmonist - des parfums inspirés de philosophies asiatiques ancestrales

A l’occasion d’une soirée dédiée aux métiers d’arts, au Plaza Athénée, j’ai découvert une nouvelle maison de parfum : the Harmonist.

Inspirée des philosophies asiatiques, cette marque propose des parfums, en accord avec l’énergie fondamentale de chacun.
Cette énergie est soit le Feu, la Terre, le Métal, l’Eau, ou le Bois.

Ils ont fait appel au parfumeur Guillaume Flavigny pour associer, à chaque élément, deux interprétations Yin et Yang. Des notes chaudes d’épices, comme le safran, enveloppantes comme la fève tonka, évoquent l’élément Feu. Des notes poudrées, comme l’iris ou l’ambrette sont présentes dans les parfums de l’élément Terre. Pour donner un effet Métal, le parfumeur a opté pour des aldéhydes, ou le rose oxyde. Pour les parfums de l’élément Eau,  des notes aquatiques, de melon (hélional), et d’océan (calone) l’incarnent. Et ce sont, naturellement des notes boisées de santal, de cèdre, de vétiver, de bouleau ou de chêne, qui représentent l’élément Bois.

10 parfums à porter sur soi, et 10 bougies sont proposés.




Un système astucieux de galets parfumés, placés dans des bocaux, permet de découvrir les 10 compositions.


L’équipe accueillante de the Harmonist propose de déterminer notre élément fondamental, à partir de notre date et lieu de naissance (calcul également possible sur leur site e-commerce www.theharmonist.com). Puis des parfums sont conseillés, en fonction de l'élément personnel, et de l’équilibre recherché.
Bien sûr, il est possible de choisir son parfum, par préférence olfactive. 
Mon préféré, ce soir là, est Desired Earth, un oriental à l’ambrette, au patchouli, au genévrier, et au baume de tolu.
Un échantillon de ce parfum, présenté dans une jolie pochette, avec un carnet de la collection, m’est offert.



La marque est soucieuse de l’environnement et des hommes. Elle privilégie les approvisionnements éthiques. Leurs bougies parfumées sont réalisées avec de la cire végétale. Enfin, les flacons, au design épuré, dont l’opacité protège les matières précieuses du soleil, sont recyclables.

Bref, une marque avec un concept original et sympathique, qui invite à davantage de bien-être, grâce au parfum. Il me tarde de découvrir leur boutique avenue Georges V.

mercredi 22 février 2017

Fin de la visite du Grand Musée du Parfum - Le métier de parfumeur


Nous finissons la visite du Grand musée du Parfum avec le dernier étage, centré sur le métier de parfumeur.

Une première mise en place présente un absolu de rose, entouré de différents parfums à la rose. L’imagination, la créativité des parfumeurs permet des variations, des interprétations différentes à l’infini, autour d’un même thème. Parmi les parfums présentés, la Rose Poivrée de Jean Claude Ellena a particulièrement retenu mon attention, avec son alliance originale de la rose et des notes poivrées.

L’apprentissage du métier de parfumeur requiert la connaissance des matières premières : plusieurs centaines à savoir reconnaître, décrire, puis associer, afin de créer d’abord des accords, puis des parfums.

Une superbe structure convie le visiteur à découvrir des matières premières naturelles, et synthétiques, emblématiques de la palette du parfumeur. Chaque petite sphère diffuse l’odeur d’une matière, et expose, ensuite des informations sur cette matière (ses origines, son utilisation, …).

Des explications sur les différentes méthodes d’extraction des matières premières sont également données dans cette salle.
D’autres espaces, à ce même étage, proposent le visionnage de témoignages de parfumeurs dont ceux de Mathilde Laurent (Cartier), Jean-Claude Ellena (Hermès), Anne Flipo (IFF), Amélie Bourgeois (Flair)…

Un dernier écrin abrite un orgue, afin de figurer la composition de parfums. Des faisceaux de lumière symbolisent les notes, et les accords.




Au rez-de-chaussée du musée, une collection de livres et de parfums sont à découvrir, et à acheter.


Bref, ce musée est un foisonnement d’informations sur le parfum. J’en ai révélées quelques-unes. Des découvertes et surprises vous attendent encore, et surtout des parfums à sentir !

dimanche 19 février 2017

Suite de la visite du Grand Musée du Parfum - Chimie des odeurs, et sens olfactif


Nous poursuivons la visite du Grand Musée du Parfum, à Paris, avec l'étage dédié à la chimie des odeurs et au sens olfactif.

A notre arrivée dans ce nouvel espace, des diffuseurs permettent de sentir plusieurs molécules :
-    - le citronellol : une note rosée, fruitée poire, citrique, un peu verte
     - l’alcool phenyl éthylique : une note rosée, pétales un peu fanés, amandée, miel
     - l’eugénol : une note épicée, sèche, boisée, clou de girofle, fruitée poire, miel
Ces molécules, associées à quelques autres, permettent de créer un accord de rose.

Notre cerveau peut reconnaître le parfum d’une rose, avec l’association de seulement quelques molécules clés, quand le parfum de la rose contient, en réalité, plus de 400 molécules…
C’est l’identification de ces molécules clés, et l’essor de la chimie de synthèse à partir du XIXème siècle, qui ont permis de remplacer, en partie, des extraits de fleurs et de plantes très onéreux, et ainsi, de "démocratiser" le parfum.
Les découvertes en chimie, ont, aussi, permis d’étoffer la palette du parfumeur, avec de nouvelles odeurs.

Une autre installation nous fait découvrir un phénomène : l’anosmie (le fait d’être partiellement, ou totalement privé d’odorat). Nous sommes invités à sentir du musc, car une partie de la population ne peut pas percevoir cette odeur.
Une personne qui perd son odorat ne peut plus percevoir les saveurs de la même manière, à part le sucré, le salé, l’amer, l’acide.

Puis un autre agencement évoque un jardin. Des fleurs géantes diffusent des accords gourmands de gâteaux, de fruits, lorsqu’elles détectent une présence sous leurs corolles.



Dans la pièce suivante, un écran permet de visionner le témoignage d'un parfumeur. Ce créateur explique que les accords sont clés dans le métier de parfumeur, soit pour re-créer une odeur de fleur, par exemple, ou pour créer une odeur plaisante, différente de celles existantes dans la nature. Pour créer un parfum novateur, il faut, en tout premier lieu, créer un accord novateur.

Prochainement, suite et fin de la visite, avec le dernier étage, centré sur le métier de parfumeur...