lundi 14 mai 2018

"L'Iris en majesté"


« L’Iris en majesté », c’est le titre d’une des conférences thématiques  de l`Osmothèque donnée, avec ferveur, par Bernard Bourgeois, parfumeur, osmothécaire.  Ce parfumeur nous a présenté cette matière première si singulière, et certains parfums des XXème et XXIème siècle, auxquels l’iris a donné tant d’élégance et de noblesse.

Quelques mots sur l’étymologie. Dans la mythologie grecque Iris était la messagère des dieux, l’équivalent féminin d’Hermès. Les poètes prétendaient qu’un arc-en-ciel était la trace laissée par le passage d’Iris sur terre. Le terme iris est associé à la fleur à partir du XIIIème siècle, en raison de la coloration de ses pétales.

Déjà utilisé dans l'antiquité, l'iris revient en France avec les gants parfumés à l'iris de Catherine de Médicis.

Originaire de Macédoine, l’iris est très fréquent dans les régions méditerranéennes.
Le genre iris contient plus de 200 espèces. Deux sont utilisées pour la parfumerie :
-       Iris Pallida cultivé originellement en Toscane, aujourd’hui, aussi, en France (Chanel) et en Chine
-       Iris Germanica cultivé au Maroc
Iris Pallida
Iris Germanica
Ce sont les rhizomes et non les fleurs qui ont un intérêt pour la parfumerie.

En Italie, l’iris pousse dans des sols caillouteux aux terrains pentus, où la mécanisation est difficile. Les fleurs sont plantées entre septembre et octobre. Ce n’est que trois ans plus tard que les rhizomes sont arrachés en été. Ils sont nettoyés, et séchés quelques jours au soleil. Puis, ils sont entreposés dans des sacs de jute pendant trois années supplémentaires, jusqu’à dessiccation complète. C’est au cours de cette dernière longue étape, que les rhizomes développent une molécule : l’irone, constituant déterminant pour la richesse et la densité olfactive.

En Chine, la qualité est irrégulière à cause des 3 années de séchage pas toujours respectées.

Au bout de ses six années au total, les rhizomes sont réduits en poudre. Cette poudre d’iris est infusée dans l’eau avant l’hydro-distillation, qui permet d’obtenir le beurre d’iris ou concrète.
4000 kg de rhizomes frais d’iris pallida sont nécessaires pour obtenir 2 kg de beurre d’iris (teneur en irone : 15%)
Le prix de ce beurre varie de 15 000 à 100 000 euros/kg.
Nous avons eu la chance de sentir ce beurre d’iris pallida, fruit d’une longue attente, au parfum poudré, boisé, terreux, floral violette, persistant, tenace et dense.
Lorsqu’il est produit en Chine, son odeur est davantage cuirée.

Ce beurre d’iris peut évoquer la terre séchée au soleil d’un paysage de Toscane.

Vincent Van Gogh
Le beurre d’iris peut, ensuite, être diluée dans un solvant, puis distillé sous vide, afin d’obtenir l’absolu d’iris. Le rendement de cette dernière étape est de 35%, soit 700 gr d’absolu d’iris obtenu à partir de 2kg de beurre d'iris (teneur en irone : 70%).
Le prix de cet absolu d’iris varie entre 100 000 € et 140 000 €/kg.
L’absolu d’iris a une odeur plus puissante, chaude, rémanente que le beurre d’iris. Son parfum est d’une grande puissance florale avec une facette légèrement fruitée.
L’usage de cet absolu est réservé aux parfums d’exception.

Même ajouté en trace dans un parfum, l'extrait d'iris apporte un effet.

L’iris germanica quant à lui est cultivé au Maroc. La durée de séchage des rhizomes y est aléatoire. Il en résulte une teneur en irone très variable.
Les rhizomes de l’iris germanica, dit iris noir, sont décortiqués, tranchés en lamelles. Pour cette variété d’iris, c’est l’extraction au solvant volatil qui est utilisée pour obtenir le résinoïde d’iris. Le rendement est de 3,8%.
Nous avons pu sentir ce résinoïde d’iris germanica, très différent sur le plan olfactif par rapport à l’iris pallida. C’est une note ronde, une alchimie entre boisé et ambré. Des notes de chocolat amer, et de thé peuvent être perçues également.
Le résinoïde d’iris peut évoquer un parfum de campagne en plein été avec quelques sensations de foin, et de tabac blond.

Puis, nous avons senti des parfums des XXème et XXIème siècles, ambassadeurs de cette superbe note :

-         Après l’Ondée de Jacques Guerlain (1906) – Oriental fleuri épicé
-          L’Heure Bleue de Jacques Guerlain (1912) – Oriental fleuri
-          Iris de Coty (1913) – Soliflore Iris
-          Vent Vert de Balmain (1945) – Germaine Cellier – Fleuri vert
-          Iris Gris de Jacques Fath – (1947) – Vincent Roubert – Fleuri fruité boisé
-          N°19 de Chanel – (1970) – Henri Robert – Floral vert
-          24 Faubourg d’Hermès – (1995) – Maurice Roucel – Fleuri boisé
-          Hiris d’Hermès – (1999) – Olivia Giacobetti – Soliflore iris
-          Iris Silver Mist de Serge Lutens – (1994) – Maurice Roucel – Soliflore iris
-          Dior Homme (2005) – Olivier Polge – Boisé épicé
-          Eau de Gentiane Blanche d’Hermès (2009) – Jean-Claude Ellena – Hespéridé fleuri boisé
-          Misia de Chanel (2015) – Olivier Polge – Fleuri oriental
-          Ambre Cashmere Intense de Nicolaï (2015) – Patricia de Nicolaï - Oriental
-          Le Cri de la Lumière (2017) - Marc-Antoine Corticchiato – Chypré fleuri

C’était sensationnel de pouvoir sentir les versions originelles des parfums les plus anciens, et de découvrir certains parfums extraordinaires, aujourd'hui disparus, comme Iris Gris.
Tous ces parfums sont magnifiques. Mes coups de cœur vont vers Après l'Ondée, Hiris, Dior Homme, et Le Cri de la Lumière.

Merci à Bernard Bourgeois et à l’Osmothèque pour cette conférence passionnante.