vendredi 14 août 2020

Le métier de parfumeur-créateur au cinéma

Les films, où les protagonistes évoluent dans la sphère des parfums, me semblent peu fréquents.

« Dans un grand vent de fleurs », série datant de 1996, me vient à l’esprit. L’intrigue se joue, à Grasse, dans les années 1990, entre l’héritier d’une dynastie d’industriels du parfum, et une jardinière cultivatrice de jasmin. L’ancienne usine Roure a servi de décor, ce qui permet de voir des installations comme des extracteurs. Les fleurs emblématiques de Grasse : jasmin grandiflorum, rose centifoglia, mimosa (massif du Tanneron) sont mises à l’honneur. Cependant, le métier de créateur de parfums n’est pas au centre de la série.

Je me souviens de  « Prête-moi ta main », en 2006, où Alain Chabat campe le rôle d’un parfumeur actuel. La compétition entre les différents laboratoires de création pour gagner un brief d’une marque est présente. Le métier de nez, en revanche, y est peu évoqué.

En 2006, sort, également, « Le Parfum, histoire d’un meurtrier », adapté du roman Le Parfum, de Patrick Süskind. Le personnage principal, Jean-Baptiste Grenouille, a un don exceptionnel pour les odeurs et la création de parfums, mais l’action se passe au 18ème siècle, et le parfumeur va jusqu’à tuer des jeunes filles pour capturer leurs odeurs…

Dans le film « Les Parfums », au cinéma en 2020, le processus créatif du métier de parfumeur est davantage mis en lumière. Emmanuelle Devos joue le rôle d’un nez indépendant contemporain. Elle est amenée à travailler sur différents sujets. Par exemple, elle doit reconstituer le  parfum d’une grotte ornée de peintures rupestres. Cette fragrance doit permettre au visiteur de la grotte reproduite, d'avoir la sensation d'être dans la grotte originelle. Son chauffeur Guillaume (Gregory Montel) l’accompagne, découvre peu à peu cet univers, et les difficultés de cette parfumeuse taciturne.

Le sujet délicat et douloureux de l’anosmie (perte partielle ou totale de l’odorat réversible ou irréversible) y est abordé. Pour un parfumeur, c’est une catastrophe. Un cas connu est celui du parfumeur Jean Carles, premier directeur de l’école de parfumerie Roure, qui perdit l’odorat à la fin de sa vie. Néanmoins, il continua à travailler grâce à sa mémoire des ingrédients et des accords. Il est, parfois, comparé à Beethoven.

Au-delà du scénario, ce sont quelques séquences qui ont retenu mon attention :

Celle où Anne Walberg (Emmanuelle Devos) enjoint Guillaume à donner ses impressions sur une matière première qu’elle lui donne à sentir. Il se remémore des vielles maisons avec des meubles en bois, des bancs d’églises. L’ingrédient en question est la cire d’abeille. Je reste toujours fascinée par le pouvoir évocateur des odeurs. Elles nous transportent à travers le temps, et l’espace.

Dans une autre scène, Anne Walberg mentionne certaines matières premières qu’elle pense utiliser pour réaliser un accord d’herbe, de feuillages : triplal, cis-3-hexenol, liffarome. Des termes que j’ai eus plaisir à entendre dans un film.

Enfin, un dernier passage, lorsque Guillaume devenu le collaborateur de Anne Walberg, présente son métier à la classe de sa fille. Il invite les enfants à sentir la limette, la cannelle, puis les deux touches ensemble. Et, là, surgit avec joie et étonnement, l’évocation du coca cola chez les petits.

« Les Parfums » est un beau film, rare, sur les tribulations du métier de parfumeur de nos jours.